FAMILLE
JAFFREDO
« Toute étude généalogique
d'une famille de quelque condition sociale qu'elle
soit actuellement, est un enrichissement pour l'histoire même
de la société. Car il n'y a pas de vieilles familles
et de jeunes familles, celle d'un duc et d'un manoeuvre
sont aussi anciennes. Il y a des familles plus ou moins connues, plus ou
moins puissantes, mais qui toutes ont contribué à la formation
de la nation »
La généalogie, de Pierre Durye, collection Que sais-je (Presses Universitaires de France)
***
1 - Sommaire
2 - Remerciements et avertissement
3 - Pourquoi et comment j'ai réalisé cette étude.
4 - Les origines : un ancêtre Wisigoth ?
5 - Le 19ème siècle : le ou les Alexis
6 - La période contemporaine : les témoins et les premières
photos
a - Une famille de meuniers, artistes et sportifs
a.a - Le père : Louis a.b - la mère : Anne a.c - Les six enfants
b - Deux générations au combat : Louis et Jean-Marie
pendant la Grande guerre
c - Un sonneur et sa descendance
c.a - Le père : Jean-Marie c.b - la mère : Marie-Anne c.c - Les 4 enfants
d - Les parisiens de l'après guerre : Louis et ses enfants
7 - Annexes :
(A venir) a - cartes des principaux lieux familiaux b - la ville de Guern c - Le rêve de Papa d - Les textes lus à l'enterrement de Papa e - Le moulin du Ruchec (site internet) f - Le moulin de Henven (revue) g - Intron Varia Kelven (un chant bien souvent chanté...) h - photos diverses i - une noce imaginaire sonnée par Jean-Marie
***
A mes ancêtres ;
« Lorsque je reproduis vos gestes laborieux, Le bois à raboter, la bêche dans le champ, Le pain épargné et le travail pour l'enfant, Je pense encore à vous mes ancêtres les gueux.
Je recolle mes semelles si fatiguées Et j'éteins la lumière en quittant cette pièce, A chaque fois emplis d'amour et de tendresse Vous me saisissez la main pour mieux me guider.
Je ne vous ai pas tous connus mais, avec moi, Souriants et forts, plus nobles que princes ou rois, Mieux que mes écoles m'ayant forgées l'esprit,
Nulle mort, nulle peur, que la foi et la vie, Je vous ressens à me pousser, le coeur joyeux, Et marche debout à vos côtés mes aïeuls »
Didier Jaffrédo. Nantes, 2004.
A mes filles qui m'ont lancé sur la voie des recherches
;
A Sylvie qui m'a soutenu alors que je passais mon temps dans
mes études ;
A ma mère pour tous ses souvenirs ;
A Fernand, le cousin de mon père, dont l'exemple m'a
donné une impulsion ;
A mes petites cousines et cousins de Bretagne : Rozenn, Hélène,
Michel, Christine...
La plupart de mes notes furent prises pendant les années 1970
à une époque où, adolescent passionné de musique
bretonne, je sollicitai ma famille de témoignages musicaux. Conséquence
: mon texte est fortement orienté musique et musiciens. Il fait
l'impasse sur de nombreuses autres anecdotes familiales. Je regrette aujourd'hui
de n'avoir pas élargi mon champ d'investigation à d'autres
sujets comme les liens de cousinage entre Marie-Anne et son mari ou le
vécu militaire de mes aïeuls pendant la guerre de 14-18.
***
3 - Pourquoi et comment ai-je réalisé cette
étude.
Je n'avais éprouvé jusqu'à
une date récente aucune passion pour la généalogie.
Je me moquai même de ceux qui s'efforçaient de remonter
le temps pour se retrouver un ancêtre extraordinaire. Un prince ou
un champion ? Quelle dérision !
Et puis mes filles m'ont demandé des comptes. «
Parle-nous de ta famille, nous ne la connaissons pas ! »
Pour satisfaire ce commandement je me suis tourné vers le passé
et me suis pris au jeu, plus qu'elles - mêmes peut-être.
Car un miracle se produisit. Ce grand-père qui m'indifférait
se tenait, maintenant (re)découvert devant moi avec sa personnalité,
ses souffrances, ses faiblesses, sa vie. Un être renaissait par la
puissance de mon évocation. Et l'amour de son petit-fils
montait vers lui et toute sa filiation.. Un amour envers tous ceux qui ont contribué, un
peu à leur manière et sans doute très profondément,
à ce que je suis.
Moi qui pensais ne rien connaître je me suis trouvé des
richesses au fond de ma mémoire ou sur de vieux cahiers. Ainsi donc
ce que m'avait conté mon père, écouté
peut-être d'une oreille distraite, n'était
pas oublié, mais simplement enfouis et à redécouvrir.
Ainsi donc mes recherches sur les musiques en Bretagne, menées pendant
mon adolescence dans les années 1970, pouvaient enfin se justifier.
Je me suis alors précipité vers nos derniers témoins,
ma mère notamment, pour lui poser ces questions si importantes.
Et peu à peu, par l'entremise de petits-enfants curieux, d'arrière
petit-cousins dévoués, le vaste écheveau s'est déroulé.
Les égyptiens de l'Antiquité ne s'étaient
pas trompés en affirmant que dire le nom d'un mort était
le maintenir en vie, et combien d'assassins se sont efforcés
de jeter définitivement dans le néant un mort en martelant
le cartouche de son nom pour l'effacer de la mémoire des
hommes.
Mes aïeuls, je redis vos noms, vous ne serez pas oubliés,
dormez en paix.
Certes ces études se tournent vers ma famille paternelle et se limitent à sa partie ascendante en ligne directe. Mais j'ambitionne de mener très vite demain une autre étude sur ma branche maternelle Le Jossec/Le Pen. Puisse mes très chers morts patienter.
J'ai longtemps cru que ma famille paternelle était d'origine portugaise. Je me revois encore raconter, à mon premier professeur d'espagnol (surnommée "Pepita" !) qui me demandait à la rentrée des classes si j'étais d'origine espagnole : "Non, madame, je suis d'origine portugaise, mais - en pensant quand
même à ma famille bretonne je rajoutais - d'origine très
lointaine !"
Qui m'avait raconté cette fable ? Mon père...
Je crois qu'une part de la Vérité peut poindre sous l'éclairage
de l'étymologie.
Les Jaffré, Jaffredo, Jaffredou, Jaffrelo, Jaffrelot,
Jaffrennou, Jaffrenou, Jaffréo, Jaffrézic, Jaffrezo, Jaffrezou,
Jaffrin, Jaffro, Jaffron, Jaffrot sont monnaies courantes en Bretagne et
plus particulièrement les Jaffrédo dans le Morbihan. Il suffit
de se déplacer dans les communes du sud Bretagne et de lire la plaque
des monuments aux morts pour s'en convaincre, ces noms sont bien des noms
de natifs du coin.(1)
Jaffrédo est le diminutif de Jaffré lui-même
diminutif de Jaffry. C'est le prénom Geoffroy qui
serait à l'origine de toutes ces déclinaisons de Jaffré.
Un élément intéressant pour notre réflexion repose sur l'origine du nom Geoffroy. L'étymologie, encore elle, nous dit que ce nom vient de Gotfrid,
un nom germanique (got = du peuple goth ou god = dieu + frid = paix).
Une origine teutonne n'aurait rien d'étonnant en soi. On sait
que la terre bretonne, comme bien d'autres, a connu sinon l'envahissement
direct des hordes de l'Est mais le contact, plus ou moins pacifiques, des
celtes, des romains puis des barbares refoulant les romains.
L'inconscient paternel n'aurait-il pas joué encore une fois,
lorsqu'il envisagea de me prénommer, Wilfrid ? Ce prénom
fut abandonné sous la pression de ma mère et devint Didier.
Quant à l'origine de mon prénom (du latin "Desiderius", désiré
!) vous aurez le choix entre une confirmation de mes origines germaniques,
puisque des Saint Didier on en trouve beaucoup dans l'est de la France
sinon bretonnes, avec ce Saint Didier évêque de Rennes au
7 ème siècle.
Pour nous résumer, je pense que le scénario le plus probable
quant à l'origine familiale est le suivant :
Entrée des wisigoths d'Aquitaine en Bretagne au Vème siècle.
L'un d'entre eux, un certain Gotfrid, fait souche. Les enfants de Gotfrid
deviennent Geoffroy au moyen âge. Puis, au fil des années,
sous la déformation du parler breton(2), d'écritures
successives sur des registres paroissiaux tenus par un clergé analphabète
etc., leur nom de famille mute pour devenir le Jaffrédo que nous
connaissons aujourd'hui.(3) 5 - Le 19ème siècle : le ou les Alexis
Je possède très peu de renseignements sur mes aïeuls
les plus anciens, un ou deux Alexis, respectivement : le père, né
entre 1800 et 1810, décédé entre 1870 et 1880 ; et
son fils, né, selon mon père, en 1841.
Ils habitèrent tous deux le moulin de Stang Du (" Gorge " ou " Vallée Noire " en français, sinon du latin stagnum: étang ou vallon encaissé), un moulin à eau sur le bord de la rivière Sarre, au nord de Melrand et à l'Ouest de Guern. Une inscription, sur le linteau de la porte du moulin, nous livre une
indication précieuse : " construit, bâti par Alexis Jaffrédo
et sa femme, 1832 ". Cette date rend plausible l'existence de deux générations
avant celle de Louis Jaffrédo né en 1873.
Ce moulin de la commune de Guern, nous le retrouvons encore dans le giron familial avec Denise, la petite fille d'Eugène, née en 1942 et qui y demeure aujourd'hui en 2005. Je ne connais pas Denise mais ai connu son grand-père, mon grand-oncle
Eugène Jaffrédo (né en 1902), que je me souviens très
bien avoir rencontré à l'occasion d'une visite avec Sylvie.
" Gorge noire ", Dieu que ce petit moulin méritait bien son nom, niché au fond d'un vallon, difficilement éclairé d'une lumière frileuse ! Ma première visite, au temps de mes recherches sur les vieux
sonneurs du pays (1976-1977), me révélèrent une Bretagne
figée dans le temps. Je revois encore ma grand-tante portant le
lait de sa vache et se préparant à baratter son beurre. Je
crois sans peine que ce que mes yeux avaient vu alors, les yeux de mon
arrière-arrière-arrière-grand père l'auraient
contemplé sans surprise.
Nous voici dès l'origine au coeur de la spécificité
familiale : un meunier d'une petite commune du centre Morbihan. Nuançons
nos impressions sur la modestie des lieux. Dans l'économie locale,
à cette époque, ce "trou" ne pèse pas pour rien. En
1876 la commune de Guémené sur Scorff, qui donne le ton à
tout un pays (le pays pourlet) ne comporte que 1672 habitants recensés,
pour 3341 à Guern, 3212 à Melrand, 3886 à Bubry, 2377
à Quistinic(4). Alexis Jaffrédo, le deuxième meunier de Stang Du était-il, comme nombre de sa postérité, un musicien ? Je ne connais pas la date de sa mort mais elle a du intervenir assez
tôt, (entre 1880 et 1890 ?), en tous cas bien avant que ses petits-fils,
mes témoins, ne soient en âge de s'en souvenir. Leurs opinions
sur ce point musical sont en effet contradictoires.
Je ne sais quand Alexis se maria et combien d'enfants il eut. Ce que
l'histoire de la famille retient en toute certitude c'est la naissance
d'un fils, Louis, en 1873, qui sera mon arrière-grand-père.
Stang-Du en avril 2004 La roue du moulin, aujourd'hui disparue, se trouvait sur le pignon
gauche de la chaumière. (photo de Fernand Jaffrédo).
6 - La période contemporaine : les témoins et les premières
photos
a - Une famille de meuniers, artistes et sportifs: Louis et ses 6 enfants
a.a - Le père : Louis (1873 - 1955)
Né en 1873 Marié à Guern le 28 Février 1897 avec Anne Janovet Meunier au moulin de Quenecan en Malguénac Naissance dans ce moulin de Jean-Marie en 1898 et Jeanne en 1900 Meunier au moulin de Manéantoux en Bubry (10) Naissance de Eugène en 1902 Meunier au moulin de Stang Du Naissance dans ce moulin de Louis en 1908 puis Ferdinand en 1914 et Joseph en 1918 Incorporé pour le front de l'est dans un régiment d'artillerie pendant la Grande Guerre (voir le paragraphe spécial) Eugène remplace ses parents à Stang Du en 1930 Meunier au moulin de Corn-ar-pont en 1930 Joseph remplace ses parents à Corn-ar-pont en 1950 Habite pour sa retraite à Pradigo puis à Quistio Décédé à Quistio en Guern en Juillet 1955, à l'âge respectable de 83 ans. Mort d'Anne Janovet en 1959 à 81 ans.
Que nous montre cette chronique très sèche de la vie de mon arrière-grand-père ? Un homme consacré au travail de la meunerie pendant une longue
vie de labeur, seule coupée par la Grande guerre.
J'aurai aimé évoquer son caractère pour l'avoir éprouvé moi-même. Mais il mourut alors que je n'avais qu'un an. Tous ceux qui l'ont connu, le cousin de mon père Fernand
par exemple, me l'on décrit comme un homme que j'aurai
été fier de serrer sur mon coeur.
Ecoutons Fernand :
« Mon grand-père était un homme calme. Sourd, silencieux, solitaire, il aimait les chats, qu'il appelait « miton ». Il se promenait lentement, appuyé sur sa canne. Je l'ai souvent vu sur son banc, dans l'âtre, épluchant minutieusement les châtaignes ».(11) Les photos me le montre tel qu'il m'est décrit. Un petit homme simple et droit au regard franc et à la posture modeste auprès de sa femme, bien droite elle aussi (ci-dessous).
Louis et Anne à Corn-ar-pont, en janvier 1940 (Photo Fernand
Jaffrédo)
Ci-dessus, en Juin 1947 pendant les noces d'or de Louis et Anne à Guern. De gauche à droite Jean-Marie et Marie-Anne mes grands-parents. La petite fille qui fait la moue devant Jean-Marie est peut-être ma cousine Marie-Luce Guyomard, la petite fille blonde doit-être Denise, la fille d'Eugène de Stang-Du, alors âgée de 5 ans. Cette photo est à rapprocher de celle du journal Ouest-France.(12) Modérons mes propos sur une vie consacrée à la meunerie. Il n'y eu pas que le moulin dans sa vie. Un événement majeur se révèle avec Louis dans la famille Jaffrédo: la musique. Mon père m'a légué un vieil album annoté
de la main de son père sur une couverture cartonnée : «
Jean Marie Jaffrédo. Mes Noces au Biniou et à l'accordéon
».
Les pages ont disparu, découpées au rasoir. Sur le verso de la couverture des vieilles traces de colle s'exposent comme témoins de photographies envolées.
Le caractère musicien (15) de cette famille de meuniers semble
bien affirmé avec Louis, mon arrière-grand-père. Il
sera pleinement développé, et avec quel panache, par ses
six enfants, fils et fille. Ses fils qui sauront ajouter, au blason des
Jaffrédo, une médaille supplémentaire, celle du cyclisme
sportif.
J'aurai longuement l'occasion d'évoquer les enfants de Louis,
ceux que j'appelle mes grand-oncles. Mais je voudrai rendre hommage en
quittant mon arrière-grand-père à celle qui fut, d'après
tous ses témoins, une grande dame, la femme de Louis, mon arrière-grand-mère
: Anne Janovet.
a.b - la mère : Anne (1877 - 1959)
Son père, Yann Janovet, était organiste à Quelven
(encore un musicien !)(16) et mes notes me disent qu'Anne jouait de l'accordéon
diatonique.
Une lettre de mon père me décrit une dame qu'il aurait
été vraiment intéressant de mieux connaître.
Ecoutons-le :
"Lorsque j'étais adolescent j'aurais voulu connaître l'origine
de notre famille. Je suis heureux que tu le fasses à ma place. Mais
jamais (17), et c'est bien dommage, tu ne retrouveras l'ambiance que j'ai
vécue, c'est-à-dire, on sentait que les Jaffrédo avaient
quelque chose de noble par rapport aux paysans. Surtout ma grand-mère
paternelle, c'était un personnage. Sage femme etc..."
Dommage que cette lettre s'arrête sur cet etc...Elle
nous dévoile donc une forte femme occupant un statut social important
à cette époque vide de médecin : celui de sage femme.
Ce sentiment du caractère exceptionnel de la femme (qui se lit sans doute sur ce visage énergique que nous présentent ses photos) s'exprime lui aussi dans ces remarques du cousin de mon père, Fernand.(18) "Anne, ma grand-mère, était d'un dynamisme hors du commun. On m'a dit qu'elle fit Guern - Lorient à pied...(environ quarante kilomètres à vol d'oiseau !)(19)...sans doute en 1914, quand son mari fut mobilisé... Elle allait régulièrement à Pontivy, toujours à pied...12 kilomètres seulement ! J'ai vécu souvent avec elle. Elle filait la laine au rouet, avec sa voisine...Elle est née à Kersalous, hameau situé à deux kilomètres à l'Est du Bourg de Guern, dans une famille de laboureurs. Comme je regrette mon manque de curiosité de l'époque !...J'aurais dû l'interroger, cette chère grand-mère...sur sa famille, ses grands-parents, ses frères et soeurs..."
En 1942, à Corn-er-Pont, Anne et Marguerite Le Cunff, son amie et voisine. (Photo Fernand Jaffrédo)(20)
Jean-Marie (1898 - 1949) dit Cabidan
Jeanne (1900 - 1953 ?)
Eugène (1902 - 1985 ) dit Eugène de Stang-Du
Eugène possédait deux bombardes fabriquées par
Danvic à Saint Adrien. Une de ces bombardes a été
donnée à son fils Eugène qui habitait en 1977 (25),
Pradigo en Guern. Je me souviens encore avoir tenu entre mes mains cette
bombarde qui sonna tant de noces avec mon grand-père...
Extrait du « Nouvelliste du Morbihan » du 9 septembre 1921. Eugène et son père Louis animent une fête locale à Guern. Eugène ne s'intéressait pas qu'à la musique des
anciens, à la bombarde ou au biniou. C'est lui qui est à
l'origine de l'introduction du premier "jazz band" du pays. Ses frères
et lui étaient tombés en admiration devant un "jazz band"
à Bubry, mené par un accordéoniste chromaticien, un
ancien parisien revenu au pays. Le lendemain (26) Jean-Marie (mon grand-père)
et Eugène décident d'acheter un "jazz". Ils écrivent
à Robert Savouret, le mari de leur cousine Hélène
Jaffrédo, qui habite Paris. Eugène part seul. C'est son premier
voyage dans la capitale. Il s'y fait traiter de "plouk" et traumatisé
restera cloîtré dans sa chambre les 3 ou 4 jours de son escapade
! Robert achète seul le "jazz", c'est-à-dire une batterie
complète, dans un magasin de la rue Bonne Nouvelle. Il ramènera
l'instrument en Bretagne et montera avec ses frères le premier "jazz
band" du coin, le "Stang Du Jazz Band" ! (voir Ferdinand plus loin).
Louis (1908 - 1989) dit Louis de Ker-Boërs
A la différence de ses frères et soeurs Louis
n'est pas resté au pays. Il partit travailler à Paris et
je me souviens enfant l'avoir rencontrés lui et sa femme dans leur petit appartement
de Belleville, avec ses deux fils.
Louis avait, tout comme ses frères, appris à jouer de
l'accordéon. En rentrant en Bretagne, il a redécouvert son
vieil accordéon tout pourri par l'humidité et a fini par
le jeter.(27)
Ferdinand (1914 - 1988)
Fernand se maria et se remaria maintes fois(29). Il devint cuisinier,
métier qu'il exerça comme chef de la cantine du lycée
de Pontivy où travaillait mon parrain Hilaire Le Jossec comme concierge.
Il eut une fin de vie assez misérable avec l'amputation de ses jambes
gangrenées par le diabète. Triste épilogue pour un
champion cycliste ! (voir plus loin)
Les anecdotes de son existence tournent autour de trois points. Sa vie
sentimentale, la musique et le vélo.
La musique est une passion sans surprise pour un Jaffrédo. Il
avait appris l'accordéon et tout jeune il monta avec ses frères
Eugène (également à l'accordéon) et Louis (à
la batterie) le premier Jazz Band du pays. Le groupe s'appelait "Stang-Du
Jazz Band" et c'est l'instituteur de Bieuzy, Jean Geldro, qui écrivit
proprement ce nom sur la grosse caisse. C'est son frère Eugène
qui avait acheté à Paris, avec Robert Savouret, le mari de
leur cousine Hélène, la batterie, la première grosse
caisse du pays. En 2 ou 3 bals ils avaient payé l'instrument.
Ferdinand est davantage connu pour sa deuxième passion, les courses
cyclistes. Dans ce domaine c'est Ferdinand qui fut le grand champion de
la famille. (Je me souviens d'une réflexion familiale me disant
qu'il avait battu le grand Robic !)
Plusieurs articles du journal "l'Ouest Eclair" lui furent consacrés avant guerre. Ci-dessous des extraits d'une coupure de presse de 1937 conservée dans la famille par son neveu Fernand, un autre champion de la petite reine.(30) "Ferdinand Jaffrédo gagne la "pascale" du Vélo Sport Lorientais. Le vainqueur s'était échappé dès le début en compagnie de son frère Joseph... Les records des partants et de la vitesse ont été battus (...) Le vainqueur a parcouru les 75 km de l'épreuve en 33 kms 600. (...) Les derniers venus sont les frères Jaffrédo de Guern, mais, comme dans l'Evangile, les derniers seront les premiers...comme vous le verrez tout à l'heure. (...) c'est Joseph Jaffrédo qui s'en va cueillir une prime de passage à Hennebont.(...) Nous remarquerons le style souple et puissant de Ferdinand Jaffrédo (...) Désormais assurés de leur victoire les frères Jaffrédo grimpent ensemble la côte de Soye.(...) Dans l'avenue de la Marne, devant une foule énorme mais magnifiquement
canalisée, Ferdinand Jaffrédo sprinte avec facilité,
d'un air de vous dire qu'il irait ainsi jusqu'au bout du monde (...)
Joseph jaffrédo paraît satisfait de finir troisième
d'un lot relevé.(...) Le Vélo Sport Lorientais a
remporté là une très belle victoire. Son champion
routier, Ferdinand Jaffrédo a produit grosse impression."
Joseph (1918 - 1970) dit Jobic de Kor-ar-Pont
Jobic (petit Joseph), comme son surnom l'indique, était le petit
dernier de la famille Jaffrédo. Il était boulanger(32) et
habitait un moulin celui de Korn-Ar-Pont en Guern. La pauvreté était
au rendez-vous...Cette impression de vivre un remake des
Misérables était accentué par le regard de mon grand-oncle
qui mal soigné dans cette campagne des années 1920 louchait
épouvantablement.
Pour rester dans le registre des romans populaires je citerai cette anecdote la plus célèbre. Jobic va découvrir le jour de ses noces que l'enfant (Raymond Jaffrédo ?) que porte sa femme n'est pas de lui. De colère Joseph arrache son alliance et la jette dans l'étang du moulin. J'ai bien connu sa femme, ma tante Célestine Le Moulliec (décédée
en 2003), une femme douce et effacée, qui, me dit-on, a expié
toute sa vie une erreur de jeunesse.
Une autre anecdote, relatée par Fernand, est particulièrement
révélatrice de son fort caractère (34) "Jobic comme
ses frères n'avait pas un caractère facile ! Lors d'un bal,
interpellé par un danseur qui lui réclamait telle ou telle
valse, en insistant trop, je l'ai vu poser son accordéon, descendre
de l'estrade, et décrocher un coup de poing définitif à
l'importun !..."
Mes derniers contacts avec Korn-Ar-Pont datent de 1995, à l'occasion
d'une visite de courtoisie chez ma tante Célestine, qui habita le
moulin jusqu'à son décès le 1er décembre 2003.
Korn-Ar-Pont, qui a été transformé en cabaret-pub,
appartient au fils de Jobic, mon cousin germain Michel Jaffrédo,
avec lequel je corresponds régulièrement.
b - Deux générations au combat : Louis et Jean-Marie
pendant la Grande guerre
Jean-Marie à 18 ans en 1916.
c - Un sonneur et sa descendance : Jean-Marie et ses 4 enfants
Jean-Marie Jaffrédo dit "Cabidan"(35) (1898 - 1949)
Je n'ai pas connu mon grand-père paternel. Je ne connais de lui
que l'image portée par son fils, un mélange de crainte et
d'admiration. Crainte, envers ce père parfois brutal et autoritaire
(36); admiration, pour ce père artiste dans un monde frustre, lumière
de gauche dans un monde clérical réactionnaire.
Cette représentation n'ayant jamais correspondu à mon
idéal de grand-père, ce n'est qu'avec une oreille distraite
que j'écoutai les confidences de mon père. Aujourd'hui, en
évoquant sa mémoire, je me prends à l'aimer davantage.
D'après le cousin de mon père, Fernand Jaffrédo,
Jean-Marie serait né à Malguénac, j'imagine dans le
moulin de Quénécan tenus par ses parents.
Jean-Marie était l'aîné d'une fratrie composée
de cinq garçons et d'une fille. J'ai bien connu les quatre derniers
enfants : Eugène dans son moulin de Stang Du, Louis à Kerboër,
Ferdinand à Pontivy et Joseph (Jobic) dans son moulin de Korn Ar
Pont.
Comme on le verra avec l'évocation de sa femme, ma
grand-mère, dont le patronyme était également Jaffrédo,
il y avait dans la région un sacré tas de Jaffrédo
et il fallait bien s'y retrouver ! Ainsi distinguait-on les Jaffrédo
par leur localisation géographique tels les "Jaffrédo Stang
Du" des Jaffrédo de Tallené etc... Peut-être appelait-on
mon grand-père Jean-Marie de Roffol ?
Jean-Marie suivit, comme nombre des membres de sa famille, le métier de meunier, en louant successivement plusieurs moulins. Ma mémoire n'en a retenu que deux. Le "moulin rose" ou "de rose" à Melrand (jusqu'en 1932, l'âge des 5 ans de mon père) et, enfin, en toute certitude son dernier moulin celui de Roffol à Saint Barthélémy.
Ci-dessus Le Moulin Rose, aujourd'hui. Photo crédit http://patrimoine.region-bretagne.fr Ce moulin fut construit en 1844 au bord de la sarre, près de Melrand. On retrouve un article de Ouest-Eclair daté du 15/11/1926 qui nous dit "Les gendarmes de Bubry ont surpris en flagrant délit le cultivateur Joseph Le Strat, de Talhoch (à l'ouest du bourg de Melrand) et Jean-Marie Jaffrédo, du Moulin du Rose, qui pêchaient la nuit à l'aide d'engins prohibés". Jean-Marie y vivant en 1926, mon père étant né en 1927, on peut imaginer qu'il s'agit bien de son lieu de naissance. Marie-Anne et Jean-Marie eurent 4 enfants : 2 filles et 2 garçons,
mon père étant le dernier. Une photo datée de 1934,
conservée par la famille de Fernand, nous montre la petite famille
(sauf Thérèse). Voir plus loin dans la partie consacrée
à mon père Louis Jaffrédo, son plus jeune fils.
Mais j'aime particulièrement la photo suivante qui les voit souriant, heureux de vivre.
La grande passion de Jean-Marie, qu'il partageait avec bien d'autres Jaffrédo, était la musique (37). Je possède encore des photos de cette passion, où on le voit jouant du biniou (instrument hélas vendu). Cette activité lui permettait d'arrondir ses fins de mois tout en mettant en valeur, auprès des villageois, son ego.
La Grande Guerre le mobilisa comme tant d'autres français. N'ayant
que 16 ans en 1914 il fut très certainement appelé dans les
dernières classes (en 1916, à l'âge de 18 ans d'après
Fernand). Mon père m'a raconté que les deux Jaffrédo,
père et fils, furent envoyés dans le même régiment.
L'anecdote, si elle est vraie, est belle.
Jean-Marie, fut gazé pendant cette horrible guerre et cet événement
contribuera à accélérer sa fin de vie.(38) Je n'ai
jamais compris comment avec ses poumons atteints il put par la suite souffler
dans son biniou ! Des confidences paternelles me font plutôt donner
comme explication de son décès précoce (une tuberculose
?) les excès d'une vie débridée. Je me souviens très
bien de cette anecdote d'un grand-père ivre mort, revenant d'une
noce animée au biniou, passant sa nuit dans un fossé empli
d'eau.
Je l'ai dit mon père admirait son père. Relisons ses quelques
lignes d'une de ses lettres :
D'autres notes, mémoire des récits de mon père, me disent :
"Lorsqu'il est mort plus de 400 services ont été célébrés,
alors que la commune ne comptait que 800 foyers".
Il est vrai que mon grand-père était très célèbre dans le pays. Un article du journaliste de Ouest France, relatant les noces d'or de Louis et d'Anne, y fait encore référence, 20 ans plus tard, en ces termes : "L'aîné, Jean-Marie, ce fameux joueur de bombarde entraînait les danseurs au mariage de l'une des filles de Mme la Comtesse de Rohan à Josselin en 1937" Il s'agit en fait d'une erreur les deux sonneurs du célèbre mariage étant Bénoni Priol et J Le Strat (ce dernier ayant à l'occasion, semble-t-il, sonné avec Jean-Marie). Comme quoi la légende...
"le mariage (...) avec M. Louis Jaffrédo, l'un des enfants d'une belle-famille, celle de Mme et du regretté Jean-Marie Jaffrédo, le célèbre joueur de biniou, décédé il y a deux ans à St Barthélémy."
Jean-Marie épousa en Marie-Anne Jaffrédo, une de ses petites
cousines (cousine germaine issue de cousins germains). Je l'ai bien connu
et apprécié, cette grand-mère : petite femme douce et effacée, fille
et petite fille de meuniers tout comme lui.
Mémé au mariage de son fils, mon père, en 1951
Ma grand-mère paternelle est morte lorsque j'avais 10/12 ans.
Je me souviens très bien d'elle. Elle passait sa retraite, jusqu'à
sa mort en..., chez sa fille ma tante Aimée à Baud.
Je la revois encore dans sa chambre aménagée au rez de chaussée
du pavillon des Guyomart. Petite femme souriante, douce et effacée,
vêtue de noir comme bien des femmes de son temps et de sa condition.
Je me souviens de sa voix au fort accent breton. J'entends encore son souffle
irrégulier et sifflant. Ses rides, ses yeux clairs aux coins ourlés
de blanc. Une maladie de coeur l'emportera.
Mon père était très attaché à sa
mère, qui plus qu'un père au coeur dur, savait le
câliner. "Quand un bouton de mon vieil accordéon tombait ma
mère le remplaçait par un bouton de culotte" !
Mais comment l'accueillir dans notre petit appartement du
30 de la rue Cambronne à Paris ? (aujourd'hui démoli).
J'ai retrouvé une lettre de mon père répondant
à mes éternelles questions sur les musiciens de notre famille.
Je la retranscris telle quelle.
Femme effacée, au regard de son mari, Marianne ne laissera pas une grande trace dans la mémoire collective. Et pourtant, en l'imaginant tenir le moulin et sa progéniture
pendant que son mari sonnait la noce, ma tendresse se tourne vers elle.
Il me faudrait faire tout un ouvrage sur cette branche de la famille,
et peut-être le ferai-je un jour, lorsque j'aurai épuisé
ma branche paternelle ascendante. Pour lors, simplement en sollicitant
ma mémoire et quelques petites cousines qui ont correspondus avec
moi, je livre quelques informations pour mes lecteurs.
Marie-Anne avait un frère (44) Louis qui avait épousé
en 1932 celle que nous appelions "Tante Fine" (sa femme Joséphine
née en 1911 et morte en 1997). J'ai très bien connu cette
femme (née Hamon de Berné), mère de quatre fils (Joseph,
Jean, Louis et Patrick), qui habitait encore, au côté de ses
fils, son moulin à Saint Caradec Trégomel en Croisty, le
moulin du Ruchec. Son plus jeune fils, Patrick, avait l'âge de ma
soeur et je me souviens l'avoir rencontré en 1961 lors du mariage
de son frère Jean au moulin du Ruchec, toujours fonctionnel. Ce
cousin avait élevé un renard sauvage qu'il tenait au bout
d'une chaîne dans un terrier. Quel souvenir pour un petit parisien
!
Ce moulin existe toujours et a été transformé dans un premier temps en base de loisirs pour touristes avec sur les deux vastes étangs attractions de pêche et pédalos ! Hélas cette magnifique propriété a été vendue à des anglais en 2002 qui l'ont transformé en gîte pour pêcheurs. On trouvera en annexe une courte description de Milin Ruchec extrait du site internet des propriétaires actuels. Je vous livre ci-après une vue du Ruchec tel qu'il se présente aujourd'hui en 2005. Le vieux moulin est masqué par le bâtiment au premier plan.(45)
L'implantation à St Caradec de cette branche familiale est récente. Louis, le mari de Tante Fine, s'y était installé après avoir été employé dans un moulin près de Pontivy.(46) Cette information est importante puisqu'elle nous renvoie vers l'est, donc, pourquoi pas dans la vallée de la Sarre, dans un moulin où serait née, selon mon père, ma grand-mère Marie-Anne ou sa propre mère.(47)
Le moulin d'Henven en 1978
Le moulin de Henven a une très forte personnalité, une
vieille histoire. C'est presque un château puisqu'il aurait
été construit pour une bâtarde d'Henri IV ! (48) Un
blason sur l'une des pierres du bâtiment porte la date
de 1621 et une autre pierre, au-dessus de la porte d'entrée
de l'écurie, est gravée à la date de 1661.
Ce moulin a été racheté par une famille d'artistes
en 1963 à son dernier propriétaire qui n'était, hélas,
déjà plus un Jaffrédo.
La fratrie des Jaffrédo du Ruchec s'était associée pour monter une entreprise d'élevage de poulets en batterie. Cette entreprise élaborait elle-même la nourriture des volailles qui devait s'appeler, pour autant qu'il m'en souvienne : "Mad Gwen" (bonne nourriture en français !) Les frères avaient construit, pour eux d'abord, leur mère et quelques-uns uns de leurs employés je crois bien, tout un village sur les hauteurs surplombant le moulin. Ce village avait pris un nom "La Rose des Vents". Je ne sais trop ce qu'est devenue cette entreprise familiale.
Thérèse
Aimée (1921 - 1975)
Ce choix ne fut pas du plus judicieux et contribuera, avec les difficultés
financières subséquentes du couple, à l'alcoolisme
du mari et l'aigrissement du caractère d'Aimée. Deux enfants
naquirent de cette union, mes cousins plus âgés que moi Marie-Luce
et Christian.
Eugène (1925 - 1973)
Combien de tranches d'andouilles de Guémené me régala-t-il entre deux clients ! (51)...J'aime beaucoup cette photo de lui qui nous le montre faisant le clown avec une de ses vaches ! (ci-dessous)
Eugène s'inscrit pleinement dans la tradition familiale comme
musicien (il jouait du saxophone) mais surtout comme cycliste (il remporta
de nombreux prix et fut, au même titre que son oncle Ferdinand, un
vrai champion).
Il avait le sens inné du commerce et sa vie ne fut, jusqu'à
sa fin brutale causée par un accident cardio-vasculaire, qu'une
succession d'enrichissements.(52)
Louis (1927 - 1996) mon père. Voir le paragraphe suivant
qui lui est consacré.
d - Un parisien de l'après guerre : Louis et ses enfants
Louis Jaffrédo, surnommé Lili par ses amis et sa famille.
Né à Melrand (56) en 1927, le dernier-né d'une
famille de 4 enfants, sa vie se découpe en deux volets : sa jeunesse
en Bretagne (1927 - 1950 ?), sa vie à Paris (1950 -
1996).
d.a - Sa jeunesse en Bretagne
Louis aurait connu trois moulins successivement exploités par ses parents. Ainsi celui du "Moulin Rose" en Melrand.(53) évoqué plus avant et le plus important, le dernier, celui de l'adolescence le "moulin du Roffol".(54)
Le moulin du Roffol Ce moulin se trouvait sur la commune de Saint Barthélémy,
au bord du ruisseau du Roffol, à 250 m au sud du hameau de Talnay.
Talnay est un lieu important dans l'histoire de la famille : c'est là
que Louis perdit son doigt dans un accident de travail, c'est là
que Marie-Anne Jaffrédo, la mère de Louis, passa les premiers
temps de sa retraite avant de s'installer chez sa fille Aimée à
Baud. C'est également dans ce village que mes parents passèrent
leur première nuit de noces.
Je me suis rendu à Roffol avec mon père il y a bien longtemps,
à une époque où on pouvait encore discerner bien des
choses, mais aujourd'hui, en 2004, il ne reste plus que quelques pierres
du moulin (55) . A peine un point sur une carte au bout d'un chemin. L'étang
où le petit Lili péchait ses grenouilles a disparu. La maison
où le chat affamé venait voler le beurre n'est plus. L'écurie
de la jument "Catchet" (56) souvenir envolé.
Le seul document qui nous permette de fixer nos idées est une
vieille photo repeinte (ci-dessus). On y distingue nettement les deux
maisons. Celle de gauche, au bord de l'étang, très certainement
le moulin, celle de droite l'écurie. Un grand plan d'eau, de grands
arbres. Devant la photo deux dames : une "parisienne" en costume de citadine,
une autre en costume régional. La première est vraisemblablement
sa cousine Hélène Jaffrédo épouse Savouret
(57) , la dame coiffée est ma grand-mère Marie-Anne, la mère
de Louis.
La photographie de Roffol que j'apprécie le plus est celle où on voit Lili enfant, à l'âge de 7 ans (ci-dessous).
Les principaux souvenirs qui se rattachent à cette période et qui me furent confiés par mon père, tournent autour de sa pauvreté et de la faim quotidienne. (58) Mes notes, prises à l'occasion de mes recherches sur les musiciens
de la famille, me montrent un petit garçons de 12 ans jouant de
l'accordéon chromatique sur un instrument à 3 rangées.
(Vieil accordéon du Jaz Band de Stang Du qui n'avait plus d'utilité).
Il s'essaya par la suite à un autre accordéon à touches
de piano. Peut-être aurai-je connu un père musicien sans l'accident
de sa main ?...
Sur ce traumatisme mon père parlait peu. Il s'arrangeait toujours
pour cacher sa main et je me souviens avoir noté la disparition
de son annulaire droit (si mes souvenirs sont bons) que très tardivement.
Les circonstances de ce drame il me les conta à ma demande. C'est en aidant à décharger des sacs de grains d'une charrette
que l'accident survint. La main de papa se trouva coincée entre
le mur du moulin et la voiture, et réapparut avec un doigt pendouillant
par un bout de peau ! A cette époque de grande rudesse, point d'attendrissement
et encore moins de médecin. Un paysan se chargea de terminer le
travail, d'un coup de couteau. Je vous laisse imaginer la souffrance du
jeune Lily, au mieux âgé de 12/14 ans.
Malgré cette main amputée, Louis apprendra le métier
de coiffeur, qu'il exercera à Baud, pour autant qu'il m'en souvienne,
pendant la guerre de 39-45.
d.a - Sa vie à Paris
Louis abandonne assez vite son premier métier qui ne le passionne guère. Il m'a avoué que le contact des "paysans puants aux cheveux mal lavés" le dégoûtait à l'extrême. Il monte à Paris en fin des années 1940 pour y trouver, comme tant d'autres, un travail.
Papa sur les bords de la Marne, en 1950, avec son chien Loulou. (59) Il correspond avec ma mère Angèle Le Jossec de Pluméliau, qu'il a connu en Bretagne et fréquenté dans les bals bretons. Il lui demande, dans une lettre expédiée depuis Paris, de l'épouser et l'épouse en 1951.
Louis est embauché par les usines nationales Renault de Billancourt,
comme ouvrier dans l'atelier de chromage puis petit contre-maître
sur une chaîne de montage. Il y restera jusqu'à son départ
en pré-retraite à l'âge de 58 ans.
Juillet 1955, la famille rassemblée autour de notre première voiture, une 4CV noire construite par mon père !
Pendant ce temps, ma mère, Angèle, son épouse, met à profit son métier de couturière en menant des travaux d'aiguille dans de petits ateliers ou à la maison. Plus tard, avant un court passage en entreprise comme contrôleuse,
elle sera vendeuse dans de petites surfaces commerciales : Prisunic ou
Félix Pottin. Elle terminera sa carrière chez Gilbert Jeune,
place St Michel, comme responsable du rayon des posters.
A force de travail et d'économie les Jaffrédo achètent leurs maisons. Ils habiteront tout d'abord, pendant 11 mois, une maison achetée
au Pileu (banlieue parisienne), puis s'installeront dans des appartements
à Paris. Successivement au 50 Rue Orfila dans le XXème, où
je fus vraisemblablement conçu. Puis dans le XVème arrondissement,
au 30 Rue Cambronne (60), enfin au 341 rue Lecourbe. Ils renoueront avec
leurs racines bretonnes en acquérant un appartement à Carnac
Plage en...
Deux enfants leur sont nés : ma soeur Maryse le 26 janvier 1952
et moi Didier le 24 Août 1954.
---------------------------NOTES de BAS de PAGES------------------------------------- (1) J'ai croisé à Nantes une femme, de
la génération de mes parents, qui était une jeune
fille Jaffrézo, était d'originaire de Guern et ...avait épousé un Lenoir ! Cette femme connaissait naturellement
un grand nombre de Jaffrédo. Son fils faisant des études
de généalogie, le parallélisme des existences est
étonnant.
(2) Mon grand-père maternel m'appelait en riant
"Jaffreudeuil", pourquoi ?...
"Encore une question de prononciation bretonne et de la difficulté de l'écrire en français. En fait on ne devait pas dire Jaffrédo, mais Jaffréde…ue en une seule syllabe. Jaffréde…ue = équivalent de "deux" (en chiffre ?) en français. cf. "l'initiation au breton sans peine" (Assimil) édition de 1979 page 5 note 1. "Daou "deux" se prononce [daoù] en Finistère et [doeï] en Morbihan, avec une seule syllabe" (lettre de Fernand Jaffrédo, le 15/1/2007) En lisant cette interprétation de mon grand oncle (= je serai
le petit Jaffrédo, le numéro 2) je lui préfère
une autre. Mon pépé Le Jossec, très paysan, réprouvait
un peu le côté "noblesse affichée" de mon pépé
Jaffrédo et transformait mon nom, affectueusement certes mais sans
doute avec un peu de dérision, en Jaffrédo de...(comme "Monsieur de" pour qualifier un aristo.)
(3) L'évolution est-elle achevée ? Peut-être
l'accent sur le "E" disparaîtra-t-il un jour... Je suis pourtant
optimiste, un coup d'oeil sur ma carte d'identité m'a montré
que l'état français faisait attention à l'accentuation
puisque, même en caractères majuscules, JAFFRÉDO était
bien repris avec son accent.
(4) Didier Jaffrédo, "Journée d'études
pourlettes" Kendalc'h (18 novembre 1978)
(7) 13 septembre 1977. On peut quand même
douter d'un accordéoniste au coeur de la Bretagne à
cette date lorsqu'on sait que l'accordéon fut inventé en
Autriche en 1829 et introduit en France via le port de Marseille en 1872.
(9) Confirmé par l'histoire de la musique
bretonne.
(10) En Melrand selon mon père.
(11) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand
Jaffrédo 2004 p 15
(12) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand
Jaffrédo 2004 p 25
(13) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand Jaffrédo 2004 p 26 Ouest-Eclair 12/08/1921 : "Fêtes locales à Guern - Une mention à M. Jaffredo Louis, sonneur de biniou et à son fils Eugène, joueur de bombarde, qui ont entrainé la jeunesse dans de joyeuses danses." (14) 13 septembre 1977. (A vérifier)
(15) On trouve des références à ma famille à la page 503 de la monumentale Musique bretonne. Histoire des sonneurs de tradition (éd. Le Chasse Marée-ArMen) Une autre référence est à signaler dans un chant
repris par le CD "Voix de Bretagne, Kanerion Pleuigner". Edition Coop Breizh
(2005) réf. 4014560. Voir plus loin "un sonneur et sa descendance".
(16) « Effectivement, le dernier organiste
en poste à Quelven s'appelait bien Yann Janovet. J'ignore
la date de sa prise de fonction mais je sais qu'il a exercé
jusqu'au moment où l'instrument est devenu muet
: 1895. Il semblerait qu'il résidait à Hennebont...» J.Y. Le Juge , organiste à N.D. de Quelven, le 9 janvier
2004.
(17) Les mots soulignés le sont dans sa
lettre.
(18) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand
Jaffrédo 2004 p 19 et 21
(19) Ah ce goût de la marche dans la famille
!.. Evoquons aussi la marche de Eugène Jaffrédo de Baud à
Sainte Anne d'Auray en remerciement à Ste Anne pour la naissance
de sa fille Isabelle (22 Km) sans parler de ma propre marche de Pontivy
à Sainte Anne d'Auray pour remercier Ste Anne de la naissance de
Nolwenn (46km). Je n'aurai pas la victoire modeste : c'est moi qui ai le
plus kilométré !
(20) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand
Jaffrédo 2004 p 20
(21) A insi sobrement résumé par le cousin
de mon père Fernand, in " Petite Histoire des Jaffrédo",
Fernand Jaffrédo 2004. tableau en annexe
(22) Arthur Le Pen, un photographe très
célèbre à son époque dans son pays. Maman ne
s'est jamais expliqué la présence de son parrain, puisque,
jusqu'à son mariage les deux familles n'étaient pas sensées
se connaître.
(23) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand
Jaffrédo 2004 p 26
(25) Date à laquelle je l'ai rencontré
(26) Toute l'anecdote qui suit m'a été
contée par Louis de Kerboërs.
(27) Pourtant son petit-fils, Yves-Christophe
le fils de Fernand (né en 1960), m'a dit avoir l'accordéon
de son grand-père. Peut-être est-ce un achat postérieur
?
(28) voir sa photo sur l'album de l'anniversaire des
25 ans de mariage.
(29) Lucie Le Cam, Louisette Février et Guillette
Taldir, furent ses épouses.
(30) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand
Jaffrédo 2004 p 41 et 42
(31) Cit. Ferdinand Jaffrédo 8 sept 1977.
On note 5 ou 6 accordéonistes du côté de mes grands-oncles
et tantes. Jobic était le seul à jouer du chromatique.
(32) "Il a habité au bourg de St Barthélémy
ensuite à Pont-Augan en Baud, au confluent de l'Evel et du Blavet,
enfin à Corn-er-Pont" (lettre de Fernand Jaffrédo, le 15
janvier 2007).
(33) "Je me souviens de la construction du four...les fagots à chercher pour chauffer le four et tonton Joseph jouant
de l'accordéon aux moments des repas. je l'ai aussi accompagné
dans quelques bals, dans les environs, le samedi soir (lettre de Fernand
Jaffrédo, le 15 janvier 2007).
(34) "Petite Histoire des Jaffrédo", Fernand Jaffrédo 2004 p 51 Je pense avoir retrouvé la trace de cet incident dans Ouest-Eclair daté du 11/3/1938 "Tribunal correctionnel - Le 16 février dernier, M. Joseph Jaffrédo sonnait de l'accordéon à une noce de Malguénac. Il venait de commencer à sonner une danse demandée par le garçon d'honneur, lorsque M. Pierre Alno, 31 ans, cultivateur à Malguénac, vint lui demander de jouer une autre danse. Et comme l'accordéoniste ne lui donnait pas immédiatement satisfaction, il le traita deux ou trois fois de fainéant, ajoutant même, aux dires de deux témoins "Tu voles ta paye et ta nourriture". Vexé, jaffrédo lui porta des couips de poing et de pied. Défendu par M° Bouché, Jaffrédo est condamné à 16 francs d'amende avec sursis". (35) Cabidan = déformation de capitan ? Capitaine, commandant, chef. Evoque assez bien le caractère hidalgo du pépé : très fier de lui et sans doute autoritaire. Autre interprétation, celle de mon grand oncle Fernand, une explication qui serait liée à une expression favorite de mon grand père. "C'est une expression du breton morbihannais difficile à traduire. En français ca peut-être, approximativement : "très bien", "exact" ou "parfait". En moins élégant mais plus proche : "impect !" ou même "au poil" (lettre de Fernand Jaffrédo, le 15/1/2007). (36) Déçu par la naissance d'une
fille il conduira cet enfant, certainement Aimée sa deuxième
fille, au bord d'une rivière en mimant le geste de la jeter à
l'eau après lui avoir tranché la gorge (!)
(37) Il chantait également, comme son frère Louis. La chanson préférée de Jean-Marie était "Femmes que vous êtes jolies!" (source : Ferdinand Jaffrédo le 8 Sept 1977) et Fernand, dans sa "Petite Histoire des Jaffrédo" se souviens encore l'avoir entendu chanter debout, à l'issu d'un repas familial, un air de la guerre de 14-18, intitulé "la mitrailleuse" avec des paroles plutôt osées ! En plus de son biniou il jouait très bien de l'accordéon.
Il aurait ramené des valses, à son retour de guerre au pays,
"et tout le monde aimait çà !" (source : Louis Jaffrédo
le 13 sept 1977).
(38) Jean-Marie repose dans le cimetière
de Saint-Barthélémy
(39) Mot souligné dans la lettre
(40) "Jean-Marie n'était pas "rouge". Le
propriétaire de son moulin l'était, il fut obligé
de l'être. Ses frères les plus à gauche étaient
Eugène et surtout Ferdinand. Mais pas Jobic qui était de
droite" Témoignage de M. Le Goff, ancien menuisier, patron de café
à St Barthélémy (20 Sept 1977)
(42) Voir en annexe le récit d'une noce
par mon grand-père.
(43) Mot souligné dans la lettre
(44) Egalement une soeur (mariée à un Vinet ?). Je me souviens très bien de ses enfants que nous avons fréquenté quelques temps. Ils habitaient au Pileu, près de l'ancienne maison de mes parents. En plus de cette soeur (aimée ?) 4 frères lui seraient rattachés : Louis-Marie, né à Guern (1906 - 1970) meunier à Melrand au moment de son mariage avec Tante Fine, avant l'achat du Ruchec, Julien, Joseph et un dernier frère qui serait mort d'un accident. (Source Rozenn Jaffrédo en 2005). Leur père, Jean-Mathurin Jaffrédo serait mort avant 1932
(cf le livret de famille remis par Rozenn). Voir l'arbre généalogique
en annexe.
(45) Où j'ai passé ma nuit comme
garçon d'honneur en 1961 !
(46) Rozenn Jaffrédo, petite fille de Louis,
courriel du 11 janvier 2005.
(47) Je pense à sa grand-mère et
Sylvie penche pour sa mère.
(48) « Maisons et Décors , Bretagne
/ Pays de Loire » Juin 1978
(49) Un quatrième (l'aîné) décéda
dans son sommeil (décès précoce du nourrisson vraisemblablement)
(50) Jacky renoue avec la tradition d'artistes
de la famille en se tournant, lui, vers la peinture.
(51) Peut-être bien coupées avec ces couteaux
de boucher qu'il réalisa en tronçonnant le sabre que son
père avait rapporté de la Grande Guerre !
(52) Le premier il perçut l'importance de créer
une "boîte de nuit" pour la génération des "trente
glorieuses". Il leur créa une énorme discothèque "le
podium 2000" qui contribuera à l'enrichissement de toute sa descendance.
(53) Un autre nom me revient en mémoire. Celui
du moulin de Tallené sur le ruisseau du même nom, qui se jette
dans le Blavet près de Quistinic
(54) Mon père a quitté Melrand en
1932, à l'âge de 5 ans. Il a un vague souvenir d'être
allé chez ses grands-parents à Guern avant de venir à
St Barthélémy.
(55) Ma mère m'a dit s'y être rendu en
1991, et il n'y avait déjà plus que des ruines. Je m'y suis
rendu également avec Sylvie, un peu plus tôt, jeunes mariés,
mais sans carte précise n'avait rien trouvé. M. Le Goff,
patron du café de St Barthélémy, ancien menuisier,
m'a dit en 1977, que le moulin comportait 2 roues. Une grande pour le blé
et le seigle, une petite pour le sarrasin et le millet. L'étang
faisait un hectare. Je ne me souviens plus qui m'a dit (mon père
?) que le moulin avait 3 roues (1 de chaque côté + 1 dessous
!)...En tous cas ce devait être un grand moulin pour avoir
plus d'une roue...
(56) La coquine, la dégourdie.
(57) Hélène, ancienne danseuse,
habitait près de chez nous à Paris rue de Lourmel, avant
de repartir, après la mort de son mari, Robert Savouret, terminer
son existence au moulin de Korn Ar Pont au côté de tante Fine.
Elle est enterrée à Guern.
(58) Cette faim qui le faisait pêcher des grenouilles
dans l'étang du moulin, chaparder des pommes dans le jardin du curé
ou protéger le beurre du vol du chat !
(59) Ce chien a sauvé la vie de mes parents
et somme toute ma vie. Il avait l'habitude de dormir dans le lit de mes
parents et avait sentit une fuite gaz. Ses gémissements et son comportement
inhabituels avaient alerté mes parents qui se réveillèrent
à temps.
(60) Maison démolie en...après
avoir été frappée d'alignement pour élargir
la rue.
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